Détails
Prénom: Johanna
Naissance: 1979
Conversion: 2001
Le chemin de Son Amour
Ça va faire 19 ans, 3 jours avant le 11 septembre 2001, un samedi, le jour où je prononcerai ma shahada sans trop comprendre ce qui m’arrive devant un imam de Lyon, qui va venir parachever un cheminement très court et hyper intense de 8 mois entiers.
J’ai eu une enfance très particulière, entourée d’adultes puisque ma mère m’a eu tard après s’être mariée tard également et avoir eu mon frère 8 ans plus tôt. J’évolue balancée entre ma mère croyante et pratiquante qui me fait faire tout le cursus catholique de la préparation au baptême tardif pendant un an avec une bonne sœur à l’expérience d’enfant de chœur… en passant par le scoutisme et la catéchèse. Dans ces temps, Dieu est mon confident, mon ami intime devant ma petite bougie chaque soir. Mais pourtant je ne le vois pas comme on me l’apprend. Vous savez, le vieux avec une grande barbe sur un trône au milieu des nuages, à la sauce autoritarisme, culpabilité et qui t’enjoint au sens du sacrifice à tendre l’autre joue quand on te frappe…
Et mon père à tendance capitaliste, entrepreneur effréné et hyper occupé, en quête de spiritualité parfois, qui fait des retraites dans des monastères et écoute des chants grégoriens, mais nourrit par ailleurs une répulsion contre Dieu qui, dit-il, ne dirigera jamais sa vie.
Mon enfance oscille entre une joie euphorique dès que je suis dans la nature seule avec mes chiens et une tristesse infinie mêlée de colère et de honte lorsque pendant des années je subis sans réellement le comprendre le harcèlement à l’école. Mon calvaire commence au CE-1 vers 7 ans et finira en 3ème, dernière classe de collège, lorsque mes parents décideront de retourner vivre à la campagne. Ce qui fût pour moi ma première bouffée d’air et de paix, et d’entente avec des jeunes de mon âge.
Un enfer pendant des années, un décalage avec les autres enfants tous axés sur l’esprit de compétition, les meneurs des villes complotistes harceleurs en action et les moutons suiveurs soumis bêtes et méchants. Je détonnais dans le paysage sûrement dû à une différence très marquée de préoccupations. À 11 ans j’assistais quotidiennement aux discussions, toujours houleuses, politiques, sociologiques et historiques de mes parents et pointais déjà un fort intérêt pour la psychologie dans mes réflexions et mes écrits.
Une seule amie et âme sœur, que j’ai toujours, me restera fidèle et aimante. La seule avec qui je rigole pendant des heures chaque mercredi après-midi. Que Dieu la guide vers la lumière de son coeur. C’est elle qui m’a permis de tenir pendant toutes ses années, et de me faire oublier l’espace de quelques instants, le calvaire quotidien par son amitié sans faille et son amour sororal.
Ces rejets successifs, accompagnés de brimades et insultes en tout genre, faisaient écho à l’éducation dure et disciplinaire de mon père qui m’a impressionnée pendant des années.
Sans parler des adultes profs ou éducateurs successifs qui m’ont souvent fait comprendre que je ne rentrais pas dans le moule et que c’était un grand tort. Qu’il fallait que je me redresse et me mette au travail sans quoi j’allais devenir une looseuse décalée. C’est eux qui ne comprenaient rien à qui j’étais et à ce qui m’animait au fond.
Toutes ces composantes m’ont fait baigné dans une atmosphère de rejet et d’impression de désamour pendant de si longues années que j’en ai accepté le jeu et que la petite voix qui petite me disait ” résiste, tu es différente d’eux, mais reste comme tu es ” s’est peu à peu tue. Et un jour de rage, parce qu’après une grève de 15 jours pour montrer que je ne voulais plus aller à l’école subir les insultes et les coups, ma première dépression, j’avais 12 ans, on m’a forcé à y retourner et c’est là que j’ai mis Dieu à la porte de mon coeur, préférant lui attribuer à Lui par erreur la responsabilité de mes souffrances et le manque criant de secours que je ressentais.
Mes parents qui s’intéressaient peu à ce que je vivais à l’école, étaient dans le déni ou m’attribuaient sans comprendre parfois la responsabilité du rejet des autres enfants. Ma mère a bien essayé de me défendre, et mon frère également, mais je sentais que c’était quasiment inconcevable pour eux de croire que je n’y étais pour rien.
À 17 ans, après une scolarité désastreuse où je m’auto-sabote continuellement et provoque un redoublement juste pour casser les pieds à mon père, je demande un an avant le bac à vivre seule en ville. Obtenir le droit de quitter le cocon pour voler seule vers l’abandon de moi-même malheureusement… Et là, la dégringolade commence.
Le désamour et la destruction deviennent mon œuvre et je fais des choix qui n’ont pour objectifs que de plaire aux autres, dans l’illusion de vouloir me faire aimer et me nier sévèrement au passage, à me mettre plus que sérieusement en danger très souvent. Je ne deviens plus que l’ombre de moi-même, une coquille vidée et absorbable.
Atterrie à Lyon, pour une énième fois faire plaisir à papa qui me paie des études, pour lesquelles je ne fais quasiment aucun effort. La deuxième année, je la passe avec toute la promo quasiment contre moi … A croire que résolument je ne suis pas fréquentable. En même temps, c’est un BTS esthétique- cosmétique où règne le culte de la superficialité et l’appât du gain et de la beauté plastique. Mais qu’est-ce que je fous là !!!
A la fin de la dernière année, je rencontre un jeune homme fraîchement arrivé du bled avec son lot de casseroles. Et on baigne dans notre atmosphère d’auto-sabotage, qui ressemble plus à une complémentarité de souffrances et une fusion de rattrapage qu’à une réelle relation constructive qui donne des perspectives.
La première phrase qui débutera mon cheminement sera ” je sais que tu y viendras parce que c’est le bon chemin “. Il venait de poser la première brique de ma résilience.
Et de moi d’y répondre ” oui mais si je me converti cela ne sera sûrement pas pour toi! ”
Un soir de janvier sous une pluie battante, début 2001, je croise une jeune femme avec un foulard et une amitié se noue, il s’avère qu’elle est ma voisine. Un jour que je viens la voir, elle va me dire la 2ème phrase qui posera la seconde brique ” Dieu t’aime et il t’a toujours aimé ”
Je vais me mettre à pleurer durant des heures sans savoir pourquoi. Je me souviens être restée prostrée sur son canapé les yeux remplis de larmes intarissables, jusqu’à ne plus avoir de mouchoirs… Elle sera une des causes de ma conversion et me donnera les clés indispensables pour avancer dans le bon cheminement dès le départ avec l’invitation à aller apprendre la religion dans les livres plutôt qu’en regardant les musulmans. Ce que je compris concrètement assez rapidement, en côtoyant de près des musulmans, même si mon long cheminement sera bien heureusement jalonné de rencontres plus enrichissantes et apprenantes les unes que les autres.
Et de là, culottée que j’ai toujours été, je me lève chaque matin en disant à Dieu ” tu veux que je crois à nouveau en toi, alors prouve-le moi !! ” Lorsque j’y pense après coup, je n’en reviens encore pas d’avoir eu cette audace. Cela a duré pendant plus de 3 mois et j’ai eu des signes chaque jour qu’Il a fait. Ce qui était impossible devenait possible et ce que je ne voulais pas qu’il arrive, n’arrivait pas… SoubhanAllah. Des miracles que j’étais la seule à pouvoir voir et apprécier.
S’en suivi un épisode qui m’ouvrit les portes de la croyance pleine et entière, un jour de ramadan que l’on allait chercher du pain dans un quartier bien connu des arabes à Lyon, je passe devant une librairie dont la porte est ouverte et laisse échapper une chant que jamais je n’ai entendu auparavant. Je suis hypnotisée, je rentre sans trop réfléchir et me dirige droit vers le fond du magasin où se trouve le haut parleur qui diffuse. Mes larmes se mettent à couler et mon corps s’affaisse sans que je n’en comprenne la raison comme à chaque fois et je demande ce que c’est innocemment. C’était du Coran.
Mon premier livre sur “l’islam et la femme” dans les mains ainsi que du musk, je sors.
Je me convertirai à la maison avec mon compagnon d’abord sans me rendre compte vraiment de ce qui m’arrive et de ce que cela implique comme changement dans mon quotidien.
Qui sera entériné 2 mois après, juste avant ce fameux jour du 11 septembre, devant un imam.
Ce n’est qu’après que je vais me mettre sérieusement à lire et apprendre l’islam dans son dogme et ses rituels. A dévorer des livres même en marchant dans la rue.
J’avais juste besoin de retrouver l’amour qui m’avait quitté pour Allah.
Me réconcilier avec Lui de mes erreurs de jugement.
Et reprendre confiance dans le fait qu’Il m’avait toujours aimé Lui au-delà de tous et que les souffrances que j’ai endurées n’étaient sûrement que le moyen de m’éloigner de leurs influences néfastes. Il fallait me maintenir loin d’eux, pour me sauver quelques années après et retrouver la lumière qui faisait écho à celle qui sommeillait au fond de mon être sensible.
El hamdoulillah.
J’ai mis 19 ans à écrire mon histoire tant les souvenirs sont ambivalents…. Mon chemin de résilience est encore en cours et ne sera sûrement jamais fini. Mais il atteint une phase où enfin je racle les fonds à la lumière de ma conscience et veux rentrer pleinement dans l’amour qu’Il a mis en moi pour Lui, pour moi et pour tous.
Johanna – août 2020