inès

Détails

Prénom: Inès

Naissance: 1952

Conversion: 2000

Un cheminement comme une vallée accidentée

Née en août 1959 à Anvers, dans une famille catholique pratiquante, je fis mes études chez les Dames de l’Instruction Chrétienne à Anvers. Ecole de haut niveau, fréquentée par les grandes familles francophones et tenue par des religieuses strictes qui ont transmis des valeurs de bonté, de droiture et de compréhension. Ensuite je poursuivis mes études au Sacré-Cœur à Anvers également.

J’y ai connu une période politique trouble d’abolition d’expression de la langue française ainsi que de toute réalisation culturelle francophone ou évènement francophone menée de plein front par le TAK branche et initiateur de l’actuel Vlaams Belang. On y vécu la fuite lors d’un de ces évènements, car hués et « bombardés » par des tomates mûres et des œufs pourris.
Nous allions tous les dimanches à la messe, et celle de Noël était la plus festive, la plus importante que nous n’aurions ratée pour rien au monde. Elle précédait un rituel de bon chocolat chaud fait maison et de cadeaux, dès que nous rentrions à la maison bravant la neige.

Cependant, vers l’âge de 20 ans j’ai tout lâché de la religion catholique quand je m’aperçus que les grandes messes, comme celle de Noel à la Cathédrale d’Anvers, étaient devenues un ensemble de critiques négatives vestimentaires et/ou éducationnelles m’ayant visé moi et mon enfant métissé alors qu’il était resté calme.
Une dizaine d’année plus tard, je repris quand même les chants dans une chorale de l’église paroissiale. J’y entendais et vivais des disputes intra-communautaires et décida que je n’avais décidément plus rien à y faire.
Un passé tumultueux à l’école ou j’étais rejetée, ainsi qu’à la maison, les énervements, avaient façonné mon expression. Seule avec 2 enfants, je menais mon combat afin de pouvoir continuer jour après jour.

Et c’est vers 35 ans, après 5 ans de soutien de la part d’une collègue de bureau qui m’aida lorsque je me suis rendue compte que personne ou peu de monde me parlait, qu’une certaine chaleur, sentiment intérieur (conscientisation ?, foi ?) renaissait.

Comme dans mon combat pour la vie et celle de mes 2 enfants, je travaillais dans l’église du quartier, un prêtre me conseilla Taizé et organisait mon départ. Taizé est un village en France, ou il y a un lieu tenu par des moines et où se rassemblent régulièrement catholiques, chrétiens et protestants de tous pays. Un séminaire d’une dizaine de jours y était tenu. On se penchait la matinée sur l’exégèse de la bible, et l’après-midi était libre aux chants, à la méditation, à la lecture ou à la visite du village. Là on découvrit que j’étais plutôt « de pensée protestante »
Je continuai les prières de Taizé, faites de chants et de lectures – et non d’Eucharisties – à la paroisse du quartier ou je me retrouvais sereine, attendue et acceptée en communauté.

Environ 2 ans plus tard, je rencontrais un Burkinabé qui terminait ses études de docteur en chimie en Belgique, après avoir fait 4 ans de pharmacologie. Musulman de naissance et très érudit, nous avions des conversations intéressantes quel que soit le sujet : géographie, histoire, politique. Chaque sujet était recherché par lui dans le coran. Sur cela j’essayais de trouver la similitude dans la bible.

En janvier 1999, devant retourner au pays, intéressée par cette approche, il téléphona à ‘un ami’ qui m’indiqua que je pouvais venir si je le voulais, qu’il m’accueillerait avec grand plaisir et que justement il débutait des cours. Avant de vraiment réaliser ceci, mais mue par ma curiosité et mon intérêt, je m’y rendis et reçu ainsi mon premier cours sur la religion musulmane.

Le professeur ne pouvant pas retenir / ou prononcer mon prénom catholique, il m’appela Inès. Apprenant plus tard qu’on pouvait se choisir un prénom de conversion, je m’achetais le livre pour en choisir un. Mais ayant vérifié la signification du prénom, je l’ai finalement choisi, car je trouvais qu’il me correspondait.
Je continuais à m’y rendre car je fus acceptée telle que j’étais, on m’y accueillait, je m’y retrouvais comme dans une famille, on me prêta attention et même quelqu’un se dirigea vers moi et me conseilla « de poser mon sac à dos ». J’avais réellement envie de le faire. Bien sûr cela n’a pas été facile au début, mais j’ai persévéré, sentant que cela me faisait du bien et allégeait « mon combat ».

Stimulée par la communauté, la gentillesse et les attitudes correctes, je poursuivis les cours de religion et prononça la « shahada » debut 2000. J’étudiai la religion pendant deux ans et demi avec Mustapha Kastit et Rachid Haddach.
En août 2002 je suis partie faire la « umra »(le petit pèlerinage) où j’ai vu et vécu de très bons moments quand il s’agissait du petit pèlerinage en soi, et des moments très pénibles et douloureux parmi les familles participantes.
De retour en Belgique je repris deux ans de cours d’apprentissage de lecture et d’écriture arabe.
Par mon contact avec certaines familles arabophones j’ai vu des choses inouïes, des mensonges comme défense, des silences, l’absence d’amour familial, des problèmes éducationnels de base.

J’ai failli tout lâcher, me demandant ce que je faisais là-dedans. Surtout que ma sœur ainée essaya de me convaincre que j’avais choisi le plus mauvais côté, que je faisais abstraction des bonnes valeurs reçues par mon éducation et que je les reniais. Ma plus jeune sœur, malgré « qu’elle s’en fichait » ne souhaitait plus aller quelque part tant que je portais le Hijab (foulard). Seule maman accepta, en trouvant quand même triste de me couvrir ainsi et ne comprenant pas pourquoi il fallait prier à certaines heures et d’une certaine façon car Dieu étant partout « on pouvait même prier debout dans la cuisine », et se documenta sur l’histoire des peuples arabes.

Un guide à la mosquée de Paris, reprenant l’histoire musulmane à un groupe principalement de catholiques me fit reprendre ma foi en la religion. Mon voisin également me stimula, en voyant mon désespoir en me disant : «L’islam n’est pas ce que les Hommes en font, la religion n’est pas les Hommes.»

J’ai participé à une excursion en 2011 au Grand-Duché du Luxembourg avec un groupe de convertis, souhaitant les rencontrer afin de partager nos vécus. Et c’est là, dans mon cheminement, fait de haut et de bas dans « cette nouvelle vision » que j’ai souhaité faire quelque chose pour le groupe qui organisa l’excursion. Une personne de l’organisation venait de la quitter et on me proposa une place administrative que j’acceptai immédiatement. Je venais de faire mon entrée dans l’association euroislam.

J’ai entretemps suivi deux séminaires de communication non-violente, qui est avant tout une introspection afin de mieux s’exprimer. En 2012 je me suis retrouvée face à une maladie, qui m’amena à suivre des séances auprès d’une charmante psychologue musulmane. Ce qui compléta mon questionnement pour un mieux-être, un mieux-vivre.
Je me suis également rendue compte, en rapport avec d’autres belges croyants, que l’islam m’avait apporté une vision positive, qu’elle était la continuité et la mise en pratique de mes valeurs d’éducation, que le destin est dépendant des choix que nous faisons à chaque instant, de nos décisions pour lesquelles il vaut la peine de prendre le temps de réfléchir, et que le temps – quand on patiente lors des problèmes – est notre allié.
Humblement, vôtre.

Inès – juin 2016