Détails
Prénom: Gaëlle
Naissance: 1989
Conversion: 2017
Partir pour mieux revenir
Au nom de Dieu, le Très-Mésicordieux, le Tout-Mésicordieux.
J’atteste qu’il n’y a d’autres divinités qu’Allah et que Muhammad est son messager.
C’est en compagnie d’Allah et Chopin que j’écris ces mots. Il fait beau, les oiseaux chantent. Ce témoignage, je ne le partage jamais, même à mes proches. Par pudeur, par peur du jugement ou pire, de la moquerie… Je me contente depuis bientôt trois ans et demi de justifier ce changement dans ma vie comme une simple recherche de documentation qui m’a mené à l’islam. Comment décrire à de parfaits inconnus un des plus grands bouleversements de ma vie, une recherche de soi dans les tréfonds de mon être quand ceux-ci cherchent parfois une anecdote hollywoodienne, un récit qui les aiderait à raviver leur propre foi. Peut-être est-ce moi-même que je protège à travers cette banalisation de ma conversion alors qu’en réalité, c’est un des actes les plus intimes de ma vie que tout le monde se permet de diminuer, commenter, juger voire de ridiculiser.
Mais ici, pour toi, converti, pas encore converti ou entourage de converti, je t’offre ces quelques mots afin de te rassurer, te réconforter ou te confirmer que tu n’es pas seul. Evidemment, tu ne l’es en premier lieu jamais car le Très-Haut est présent à chaque centième de seconde de ta vie… A chacun de tes clignements d’œil Il t’apporte Sa Bienveillance, Sa Protection traverse chaque cellule de ton corps et Sa Miséricorde t’es offerte même aux moments où tu n’es pas conscient de toi-même. Mais à travers ce témoignage, je m’engage à te rassurer sur le fait que tes défis et tes souffrances sont partagés et compris. En signe de ma bonne intention, je t’offre mes mots qui ont été intériorisés des années.
Je suis née en 1989 au sein d’une famille blanche, de « culture catholique » et extrêmement dysfonctionnelle. Nous sommes 5 enfants, j’occupe la place de l’avant-dernière, je suis la seule aux yeux bleus, yeux que j’ai hérité de ma grand-mère. Fervente catholique, je me souviens d’elle et de son pouce traçant le signe de croix sur notre front à tous quand elle venait nous rendre visite. Une grand-mère peu affectueuse mais dont je garde le souvenir d’un regard bienveillant bien que portant un lourd passé avec l’une de ses filles qui n’est autre que ma mère.
Au nom de la religion, maman se retrouva du jour au lendemain amputée de sa famille entière lors de son mariage à cause du choix de son mari plus âgé de 20 ans et déjà divorcé. Ce fut le départ définitif de ma mère de la religion catholique.
Ma mère étant seule au monde avec son mari et ses enfants, elle n’eut la force de partir (fuir) de sa perversion, son alcoolisme et sa tyrannie, qu’à la naissance de mon petit frère. Nous avons dû malheureusement subir cet enfer terrestre encore régulièrement jusqu’à sa mort brutale des suites d’une maladie cachée, le 16 juin 2001, marquant l’année de notre funèbre libération.
Mon parcours religieux se marque en plusieurs points. Je me souviens qu’à seulement 12 ans je cherchais déjà cela en moi et autour de moi. Vivant dans une maison non loin de l’église, je me souviens m’être rendue là-bas régulièrement le dimanche pour la messe ainsi que d’avoir participé à la chorale un temps. Une recherche de ce qui me dépassait vibrait déjà dans mon cœur alors pourtant si jeune. Cet élan fut stoppé durant toute mon adolescence qui fut particulièrement difficile à construire alors qu’aucune base saine n’avait été établie dans ma vie.
Il me fallut des années avant que cela revienne à nouveau à moi. C’est en tant que bénévole dans un Institut bouddhiste que j’ai commencé une recherche très profonde du Spirituel. L’islam ne faisant pas du tout partie de ma vie à ce moment-là, Dieu a pourtant décidé qu’à cette période de ma vie très creuse, Il jaillirait en moi à travers différentes facettes de ma vie. Une découverte du monde spirituel comme je ne l’avais jamais vu dans le bouddhisme, une paix dans les pratiquants que j’enviais mais je restais pourtant remplie de contradictions et de questions sans réponses.
Ce fut une rencontre qui bouleversa ma vie. Un coup de foudre dédié à un musulman dont je tairais l’origine et son retour très rapide fut pour moi l’étape la plus belle et la plus difficile de ma vie de jeune adulte. Je vois mes 24 ans comme une mort et une renaissance à la fois. Dieu s’est chargé de nous faire rencontrer, de me faire voir un islam autrement, bien que dans un personnage rempli lui-même de paradoxes. Dieu s’est chargé de nous séparer peu de temps après, ce que je vis à ce moment-là comme une difficile réalité alors que je vois cela comme un plan parfaitement établi sept ans plus tard. Il savait qu’à travers ce manque, j’allais continuer à chercher cette personne par tous les moyens possibles mais principalement en cherchant du monde qui lui ressemblait. Comme cherchant de l’eau dans un désert aride, je m’accrochais à chaque élément culturel, musical, religieux qui me rapprocherait de son souvenir. Encore aujourd’hui, alors que je ne l’ai plus vu depuis toutes ces années et que l’amour de cette époque s’est apaisé, j’éprouve pour lui un sentiment complexe de bienveillance et de reconnaissance de m’avoir guidé vers l’islam. Puisse Dieu lui offrir une merveilleuse place dans Son Paradis pour ce qu’il m’a apporté sans même s’en douter, car ma reconnaissance dans ma condition d’être humain ne peut être suffisante.
Il a fallu cependant que je quitte le pays quelques années pour arriver à la finalité de ce qui précède ma conversion… Ayant la chance de vivre une expérience à l’étranger, j’ai choisi le Canada ou je me suis rendu en octobre 2016. Au départ présente pour un stage mais dont j’avais raté l’année précédente, je suis arrivée à Montréal sans savoir ce que j’allais y faire. Je désirais ardemment sortir de mon confort, m’octroyer du temps afin de me découvrir moi-même en même temps que de me construire une expérience professionnelle, très difficile à acquérir en Belgique. Il aura fallu me retrouver sans rien, sans famille, sans amis, sans repères, sans rien d’autre que cet ami avec qui j’ai été par hasard à nouveau en contact alors que pourtant séparée de 6000 km de lui à présent, pour ouvrir doucement les yeux. Prête à parler de religion ouvertement et avide de comprendre, j’ai fini par louer des livres à la bibliothèque et à chercher des organismes islamiques pour convertis afin de m’aider à traverser ce basculement qui ne fut pas simple. Un bouillonnement mental me faisait prendre conscience que ce n’était non pas mon ami rencontré des années plus tôt que je cherchais mais qu’en réalité, je Le cherchais Lui. Dieu. Allah azawajel.
Je me souviens parfaitement de l’endroit où j’étais quand j’ai lu « Il n’y a de Dieu que Dieu ». La poésie de cette phrase et son « interconnexion » me fit prendre conscience pour de bon que c’était là, devant moi. Je ne pouvais plus ignorer, je ne pouvais plus lutter. A quoi bon ? Où était le mal de toute façon ? Où était le mal de vouloir prier Dieu, de vouloir l’Adorer à travers une pratique qui ne cessait de vouloir grandir en moi ?
Cherchant pourtant encore un signe, je pris conscience qu’il était temps de me convertir rapidement lorsque je vécus une expérience qui me troubla particulièrement. Le 29 janvier 2017, je décidai non pas sans appréhension à pratiquer pour la première fois la prière. Et alors que je venais de la terminer, sentant que pour une fois j’étais à ma place, ancrée dans l’Adoration de Dieu que je cherchais durant pratiquement toute ma vie, je découvris avec stupeur qu’au même moment, à trois heures de route, un attentat dans la mosquée de Québec venait tout juste de se produire alors que des gens priaient tranquillement en son sein. Au-delà du choc de la nouvelle, de la violence de l’acte et de la peur qui m’a habitée, je ne peux expliquer encore aujourd’hui réellement pourquoi cela a confirmé mon choix. La haine inexpliquée et injustifiée ne peut se concentrer que sur quelque chose de bon, ai-je pensé. Le 3 février 2017, alors que plusieurs décès ébranlaient la communauté musulmane québécoise, je me convertissais et commençais ma vie en tant que musulmane…
Et aujourd’hui ?
Après trois ans et demi de conversion, un bilan religieux et personnel se sont établis alors que je viens de rentrer en Belgique après presque 4 ans au Canada. Les épreuves ont été nombreuses et le seront encore et de mauvais choix dus à une grande vulnérabilité ont été réalisés… Je pense aujourd’hui pouvoir dire que j’ancre doucement mes limites et mon identité en tant que musulmane. Nous sommes tous un peu le « high » au départ, pensant que tout le monde va nous venir en aide, que nous allons être entourés et bien encadrés… Mais j’ai dû faire le constat et l’intégration de deux choses : Le changement de comportement de mon entourage suite à mon « choix » (voire l’arrêt complet de relation) mais aussi d’accepter la Oumma telle qu’elle est, avec ses forces mais surtout ses faiblesses.
Cependant, je me dois de remercier ma famille : ma mère qui a suivi sa règle de nous soutenir indéfectiblement peu importe nos choix, un frère et une sœur qui me soutiennent également alors que je vois que cela les dépasse. Que Dieu les protège car ils m’ont été d’un grand soutien et d’un grand secours. Je les aime plus que jamais en voyant la résilience qu’ils ont eu suite à mes choix qui je sais, ont été difficiles pour eux. Nous sommes donc tous dans la pratique et la recherche d’un équilibre composés de concessions et de respect dans lequel nous serons tous en accord avec nous-même.
Aujourd’hui, Dieu fait partie de ma vie, tout simplement. J’essaie d’être meilleure musulmane qu’hier et espère être encore meilleure demain avec l’aide de Dieu. Mon quotidien ressemble à présent à celui de tout musulman mais avec des défis différents qui me dirigent naturellement vers les convertis.
C’est pourquoi, cher converti ou toi qui hésite à te convertir, puisse Allah te venir en aide dans ton cheminement qui nous le savons tous est un chamboulement et est bourré d’embûches. J’espère que ce témoignage t’apportera ne fut-ce qu’un peu d’aide ou du moins, du réconfort. Puisse Dieu t’assurer un cheminement en paix, une tranquillité d’esprit et un entourage sain. Prends ton temps, tu as toute la vie pour approfondir ton islam et développer l’amour pour Dieu. Donne-toi le temps d’intégrer, de te redéfinir et de te redécouvrir. Il n’y a pas un islam, il y a ton islam.
Gaëlle – avril 2020