Détails
Prénom: Caroline
Naissance: 1981
Conversion: 1999
Un parcours, des obstacles, une liberté
En tant que converti(e), la question que l’on nous pose souvent est : “Comment est ce que tu as été amené(e) à te convertir à l’islam”?
On a beau me l’avoir posée un nombre incalculable de fois en plus de 20 ans, elle reste tout de même toujours aussi intimidante.
Alors, voilà mon histoire…
Née d’une famille de trois enfants en 1981, je suis celle du milieu, et je me suis convertie à l’âge de 18 ans.
Déjà petite, j’avais certaines répulsions alimentaires, comme par exemple la viande de porc que je n’aimais vraiment pas. On aurait pu se dire que cela était juste des caprices d’enfant.
Ensuite, adolescente, je n’étais pas du tout attirée par les boissons alcoolisées de quelque forme que ce soit, en famille, entre amis et même durant les périodes festives.
J’habitais également un quartier avec une forte concentration maghrébine. De ce fait, mon entourage amical était pour la plupart musulman. Même si à l’époque, leur pratique étaient peu conforme aux recommandations divines, j’avais pris l’habitude de ne plus consommer aucun aliment d’origine porcine, je ne buvais plus du tout une seule goutte d’alcool et je faisais le Ramadan avec eux. Et ceci au plus grand désespoir de ma mère. Elle n’appréciait guère que je m’impose des restrictions alimentaires, je ne sais pas trop pourquoi finalement, peut-être pour le simple fait que cela compliquait une certaine organisation/habitude alimentaire.
Je pense que j’accomplissais ces rites plus par effet de groupe que par conviction personnelle mais néanmoins il devait se cacher une volonté divine derrière cela.
J’avais un petit job d’étudiant, en cuisine il y avait plusieurs travailleurs musulmans, et lorsque pendant le mois de Ramadan je jeûnais, ils me préparaient une portion pour que je puisse également rompre le jeûne.
J’ai alors rencontré le père de mes enfants. Nous nous sommes fréquentés. Période très brève puisque pour lui, nous devions rapidement nous marier. C’est alors que j’ai pour la première fois vu un musulman prier. A l’époque, on parlait peu des musulmans, de leurs pratiques et encore moins des mosquées. Je n’imaginais d’ailleurs pas qu’il y en avait en Belgique … C’est en faisant connaissance avec le monde musulman que j’ai découvert qu’il y avait un monde spirituel.
Lorsque j’ai regardé pour la première fois le père de mes enfants prier, alors que je n’étais pas encore musulmane, j’ai eu l’impression de transgresser une certaine intimité entre lui et Dieu. Durant tout le temps de sa prière, je n’ai pas osé bouger, j’osais à peine respirer par peur de le déranger durant ce moment que je qualifierais “d’intime”.
Cela amène à une deuxième question : “Donc tu n’étais pas musulmane lorsque tu t’es mariée?”
Et bien non, je me suis convertie 6 mois plus tard après mon mariage. Juste avant d’avoir accompli mon premier Ramadan en compagnie du père de mes enfants qui lui vivait plus cette période spirituellement, il allait à la mosquée tous les soirs et je l’accompagnais. Je suivais le groupe pour ne pas me retrouver seule au fond de la salle, j’essayais de vivre le moment avec eux sans trop savoir puisque je venais à peine de me convertir. C’est après ce premier Ramadan que j’ai pris la décision de porter le voile.
Par la suite, j’ai pris des cours, j’ai appris à pratiquer petit à petit et à étudier cette belle religion. J’ai fait 4 années académiques de religion islamique. Ce qui m’a permis de connaître ma religion puisque j’ai étudié la vie du Prophète, les pratiques religieuses, l’arabe, le coran, les hadiths, etc.
Je pense qu’il est très important d’étudier sa religion, de la comprendre, d’en connaître les pratiques justes et fondamentales. Cela permet de se renforcer dans son choix et donc dans sa foi.
Ce qui amène généralement à une troisième question : “Comment est ce que cela s’est passé avec ta famille?”
Il faut d’abord savoir que je n’ai pas une très grande famille. J’avais ma mère, mon grand frère et ma petite sœur. J’avais encore ma grand-mère paternelle et mon oncle paternel.
Pour mon frère et mon oncle, cela ne leurs a pas posé de problème. Pour eux, c’est mon choix et tant que je suis heureuse, c’est tout ce qui compte. Pour ma sœur, un peu pareil. Elle prenait même ma défense lorsque nous faisions des sorties ensemble et que quelqu’un me manquait de respect. C’était d’ailleurs assez comique car il y avait un énorme contraste entre elle et moi. Elle qui était fort “blingbling”, blonde platine, mini-jupe, … et moi à côté, voilée, avec des vêtements amples. Les gens nous regardaient souvent avec un profond questionnement existentiel.
Pour être honnête, cela a été assez compliqué avec ma mère. Et parfois difficile avec ma grand mère. Pour ma maman, il y a deux choses qui ont été difficiles, la première était que j’avais épousé un homme d’origine maghrébine. A cette époque, elle travaillait dans un quartier sensible, elle a malheureusement été spectatrice du mauvais comportement que certaines personnes de notre communauté peuvent présenter. Elle a vu des femmes battues par leur mari, des enfants battus et/ou mordus par leurs parents, des adolescents dont les parents ne s’occupaient pas et donc de leur délinquance. Elle avait donc peur que je sois victime de ce genre de violence. Mon mariage fut un premier coup dur.
De plus, ma mère a fait partie de ces femmes qui en 1968, se sont battues pour le droit des femmes. A cette époque, cela a été toute une révolution.
Pour elle, ma conversion était un deuxième coup dur car pour cette activiste, ma conversion signifiait une forme de régression archaïque, un retour en arrière. Une incompréhension totale de mon choix. Certainement due à une ignorance de cette religion mais également due à un amalgame entre tradition culturelle d’une catégorie de la population qu’elle avait côtoyée et la religion que j’avais embrassée.
Il a fallu des années pour qu’elle accepte mon choix, pour qu’elle puisse faire la différence entre culture et religion, pour faire également la différence entre musulman et islam. Période durant laquelle, il a fallu s’armer de patience.
Un jour, j’ai décidé de déménager assez loin. La distance faisait qu’on ne pouvait plus se voir aussi souvent. Après quelque temps, elle m’avait envoyé un email avec une seule phrase:
“C’est quand on perd un trésor qu’on se rend compte à quel point il était précieux”.
Je crois que c’est à ce moment-là qu’elle a compris et accepté mon choix. Qu’elle a su faire la différence entre culture/religion et musulman/islam.
A la mort de ma maman, lorsque nous avons dû faire le difficile tri de ses affaires, j’ai retrouvé ses vieux carnets de naissance de l’époque. Dans lesquels on écrivait le poids, la taille, le premier mot, la première dent, le premier pas … du bébé.
C’est à ce moment que je n’ai plus eu aucun doute sur la volonté divine que je revienne vers lui en tant que musulmane puisque mon premier mot était “ALLA”.
Comment est ce que ma mère aurait pu deviner ou même penser qu’un jour j’allais me convertir à l’islam.
Avec ma grand-mère, je pense que c’était un peu différent. Elle aimait tellement ses petits enfants et était prête à n’importe quoi du moment qu’elle puisse continuer à nous voir. Mais en même temps, elle n’avait pas sa langue en poche. Elle avait dans son langage des petites piques en parlant des “arabes”, des “nègres”, de ce “torchon” pour évoquer mon voile. Mais à côté de cela, elle a toujours été là pour moi dans tous les moments de ma vie depuis mon mariage jusqu’à sa mort.
Puis avec le temps, par la grâce de Dieu, avec la patience, son cœur s’est adoucit, ses piques se faisaient plus rares.
Ce qui a également aidé, c’est qu’elle a travaillé bénévolement dans une O.N.E. à Anderlecht (Bruxelles), donc avec une grande population d’origine étrangère. Elle a appris à connaître les autres, leurs cultures, et sa connaissance d’autrui a atténuée davantage la perception qu’elle avait d’eux.
Maintenant je dois avouer que cela n’a pas été, à mon avis, simple pour aucun membre de ma famille. Lorsque je me suis convertie, ne sachant pas au départ faire la différence entre le vrai du faux, n’ayant pas de connaissance religieuse, je ne pouvais que croire ce que l’on me disait.
En effet, je suis d’abord passée par une phase on va dire plutôt très rigoriste de la religion. Je suis arrivée à un point tel que je me couvrais complètement de la tête au pied. Pas le moindre cm² de ma peau n’était visible. Je ne pratiquais plus aucune mixité sauf ce qui était obligatoire. Même le compagnon de ma sœur ne me voyait pas et j’imagine que mis à part une vieille photo, il n’avait même jamais vu à quoi je ressemblais. Je n’écoutais pas de musique et à un moment, je ne regardais même plus la télévision. J’ai été prise dans un cercle vicieux sans même m’en rendre compte. Mais dans un premier temps, cela ne me dérangeait pas, car je n’avais pas de responsabilités, si ce n’était m’occuper de mon foyer et de mes enfants. Le temps que j’apprenne la religion, le temps que je me pose dans cette nouvelle vie, le temps que je fasse accepter ma décision à ma famille, une enfant est arrivée, puis deux, puis trois … mais au fond, quelque chose n’allait pas bien. Ce qui était permis aux yeux du père de mes enfants, ne l’était pas pour moi. Il avait sa vie à l’extérieur et finalement une infinie petite vie dans son foyer. Son comportement vis-à-vis de moi et des enfants ne correspondait pas à ce que j’avais étudié du comportement du Prophète Mohammed.
J’avais fait 4 années d’études, cela aurait dû ouvrir mes yeux mais comme on est tellement robotisé, on n’ose pas se poser de questions, on emmagasine sans réfléchir. Mais plus le temps passait, plus je me disais que certaines choses étaient illogiques. Vu la souffrance psychologique que je vivais avec le père de mes enfants, je me disais que c’était impossible qu’un Dieu si miséricordieux, qui a tellement de clémence, qui a tellement d’amour pour Ses créatures, puisse demander à une femme de vivre toute sa vie dans une souffrance psychologique, à un tel point que je remettais ma vie, ma religion et ma conversion en question, tout ça pour le simple bonheur d’UN homme. Alors que celui-ci a normalement le bonheur de sa famille entre ses mains. J’ai alors repensé à certaines choses que j’avais apprises, à me remettre en question, à porter réflexion sur mon parcours de vie et de spiritualité que finalement je suis arrivée à la conclusion que j’ai bêtement suivi un modèle de vie à l’unique avantage d’une catégorie de personne qui utilise la religion à mauvais escient. Dieu ne veut pas pour nous la difficulté, il veut pour nous la facilité, mais sans pour autant que cela soit une excuse à tout et n’importe quoi. Il faut simplement revenir à la base, au LIVRE qui nous sert de référence, à savoir le Coran. Et seulement si, les versets ne nous paraissent pas clairs, chercher dans les hadiths, à condition bien sûr de savoir faire la différence entre le vrai du faux. Quoi qu’il en soit, tout être humain à une relation, consciente ou pas, avec Dieu et au fond de nous-mêmes, nous savons très bien quand nous sommes dans le bon ou pas. L’islam n’est pas un but à atteindre mais c’est un parcours de vie, c’est une amélioration constante de notre propre personne jusqu’à la fin de notre vie afin d’essayer sans cesse d’être meilleur qu’hier.
Ce parcours de réflexion a néanmoins été très difficile pour moi. Tiraillée entre une part de moi-même qui m’appelait au changement et une autre part de Moi-même qui avait peur de ce changement de par le fait que j’avais été tellement lobotomisée que je ne savais plus quoi penser, quoi faire, comment m’y prendre, je ne savais plus …. J’allais de plus en plus mal.
Mais Dieu a bien fait les choses, rien n’arrive par hasard car c’est à ce moment que j’ai rencontré EuroIslam. J’ai alors rencontré des gens qui n’étaient pas dans le jugement, contrairement au genre de personnes que je côtoyais auparavant. Des personnes qui ont pris le temps de me soutenir dans mon introspection sans jamais influencer mes décisions. Ils m’ont permis de connaître un islam qui à mon sens personnel me correspondait plus, avec lequel j’étais plus en accord. Un islam qui était pour moi plus sincère, plus vrai, plus nature. Un islam du juste milieu, rempli d’amour pour les autres et d’empathie, un islam du savoir vivre avec les autres peu importe leurs opinions, leurs origines, leurs choix,… un islam universel.
Je pense que si à ce moment-là, je ne les avais pas rencontrés, je ne sais pas ce que je serais devenue aujourd’hui. Dieu merci qu’ils aient été sur mon chemin.
Cela a permis de faire de moi une musulmane plus accomplie.
Reste la question de la religion et la société, l’école et le voile, le travail et le voile ?
Je pense que pour réussir, il faut savoir faire la part des choses. Être sûre de ses convictions et de ses connaissances. Ne pas se sentir différent de notre choix. C’est un choix que nous avons le droit de faire.
Mais si nous le voyons comme une différence, comment est-ce que les autres pourraient le voir autrement?
Aujourd’hui, je suis une belge, musulmane, épanouie, fière de sa religion étant convaincue que celle-ci est une belle religion remplie d’amour, de bons principes, de savoir-vivre. Fière de mes origines belges et de ma culture que je ne vois pas comme une contrainte à ma religion mais comme quelque chose qui se complète. Une musulmane ayant travaillé pour arriver à vivre ma religion dans la société dans laquelle je suis puisque aujourd’hui j’exerce un métier qui ne m’empêche pas de vivre ma religion comme je pense être bon pour moi.
Caroline – août 2020