Détails
Prénom: Marie-Laurence
Naissance: 1977
Conversion: 2010
De Jésus, Krishna et Bouddha à Mohammed
J’ai grandi en Afrique du Sud, pays très religieux où l’on n’a pas peur de parler de Dieu à l’école ou même au parlement. Ma famille est d’origine catholique (j’ai été baptisée) mais ma mère était athée, mon père fréquentait les Hare Krishna et moi j’allais dans une école protestante. J’ai toujours cru en Dieu mais je n’arrivais pas à croire en une religion. Petite, j’ai essayé de croire aux histoires des Hare Krishna. J’allais au temple avec mon père les mercredi et samedi. Je m’y amusais bien, on chantait et dansait et on mangeait bien. Mais je n’ai jamais accroché. C’était trop folklorique, il y avait plein de dieux et demi-dieux et des histoires invraisemblables. Je n’aimais pas me prosterner devant le maître spirituel ou devant la statue de Prabhupad (le fondateur du mouvement). Par contre j’ai toujours admiré la dévotion des Hare Krishna. Ces gens donnaient toute leur vie à leur religion et j’avais envie d’être comme eux.
J’ai également essayé de croire au christianisme. A l’école je suivais des cours supplémentaires pour étudier la Bible, j’allais à la « Sunday school » le dimanche et j’ai même fait un camp pour jeunes chrétiens. Mais je n’arrivais jamais à dire que Jésus était Dieu. Je voyais mes amies le dire et j’avais très envie d’y arriver mais c’était plus fort que moi, ça ne passait pas. Je n’ai jamais prié en m’adressant à un autre que Dieu lui-même alors que tous autour de moi le faisaient. Ils priaient Jésus leur sauveur et moi je n’arrivais pas à le faire.
A mes quinze ans nous sommes revenus en Belgique et j’ai décidé que je ne savais pas qui était Dieu et qu’aucune religion n’était vraie. Ce n’était que des idées fabriquées par des gens. J’allais tout simplement essayer d’être une bonne personne et voilà tout. Dieu était loin, incompréhensible et je n’étais pas capable en tant qu’humain de Le comprendre. Après quelques années, vers mes 25 ans je me suis tout de même intéressée au bouddhisme. Cela me paraissait plus logique que les religions que j’avais connues jusque-là et j’aimais bien leur mode de vie. J’étais déjà végétarienne (j’ai gardé ça des Hare Krishna) et le bouddhisme était à la mode. Cependant je n’ai pas réussi à comprendre le fond. J’ai lu des livres en plusieurs langues pour voir si les traductions y changeaient quelque chose, mais non, cela n’avait pas de sens. De plus je voulais une religion où j’aurais pu dévouer toute ma vie mais je ne me voyais pas devenir nonne et tout abandonner. J’ai essayé de méditer, j’ai été au temple. J’ai appris certaines choses utiles dans la vie comme se concentrer sur l’instant présent. Mais un beau jour au temple, trois Lamas étaient invités, c’était des personnes importantes apparemment et là, tout le monde s’est prosterné devant eux. Je me suis revue chez les Krishna. A ce moment précis j’ai su que le bouddhisme c’était fini pour moi.
J’ai passé encore quelques années sans vraiment chercher mais en sachant qu’il me manquait quelque chose. En 2009 j’habitais Anderlecht. J’étais entourée de musulmans. Je ne les comprenais pas. Surtout les femmes converties. Je me demandais pourquoi une fille européenne irait volontairement se mettre dans une religion où elle serait inférieure aux hommes et où elle devrait porter un voile. J’ai commencé à me sentir mal dans ce quartier. En haut de ma rue vivait un homme habillé comme un Taliban (selon moi à l’époque) qui me regardait toujours bizarrement et me mettait mal à l’aise. Et puis dans les média on avait le débat sur le port du voile. On voyait à la télé des musulmans disant que c’était dans le Coran, et d’autres qui disaient le contraire. Partout fusaient les commentaires racistes et haineux à l’encontre des « arabes ». Et c’est à cause de cela que j’ai décidé de lire le Coran. Je voulais pouvoir défendre les gens car je ne supporte pas le racisme, venant du pays de l’apartheid. Je me suis donc dit que j’allais lire moi-même le Coran pour savoir s’il fallait porter le voile ou non. Mon but n’était pas de m’intéresser à la religion, mais de défendre les musulmans en sachant de quoi je parlais.
J’ai donc entrepris la lecture du Coran. Pour être honnête je n’ai pas aimé au départ. Ce qui me dérangeait était toutes les phrases de « menaces » qui disaient que si on n’y croyait pas on aurait un « châtiment douloureux » etc. Je n’avais pas l’habitude de lire cela. Mais je me suis accrochée parce que je voulais savoir pour le voile. Petit à petit je n’ai plus vu les « menaces » mais tout le reste. La lecture est devenue plus facile. J’ai aussi commencé à regarder des vidéos sur Youtube, notamment The Deen Show. J’ai découvert que ces barbus aux airs de « Taliban » pouvaient finalement être très intéressants et même avoir un grand sens de l’humour ! J’ai appris à dépasser l’image et à écouter le message. Je savais avant de commencer que l’Islam était la « suite » du judaïsme et du christianisme mais en lisant le Coran j’a vraiment compris que c’était la même chose. C’était les mêmes prophètes que je connaissais déjà, les mêmes histoires et le même Dieu. Et à mon grand étonnement, je m’y sentais chez moi. Le mode de vie me correspondait, je n’avais jamais bu ni fumé, ni fait les quatre cents coups et j’étais végétarienne donc manger halal n’était pas un problème.
Restaient le hijab et la prière. J’ai suivi des tutorats Youtube pour apprendre à prier. Pour mon premier essai j’avais des papiers tout autour de moi. J’avais carrément pris une douche pour être sûre des ablutions et puis j’étais tellement concentrée sur tous les gestes et les paroles que j’en ai oublié le foulard ! En ce qui concerne le hijab, j’avais finalement lu dans le Coran qu’il était bel et bien prescrit. Je me suis dit que j’allais essayer de comprendre en le pratiquant. J’ai passé les mois suivants à changer la manière de m’habiller. J’ai commencé par simplement mettre des vêtement plus longs et plus larges. C’est là que j’ai compris quelque chose : je me sentais libre. Plus besoin de me préoccuper de ce que l’on voyait de mon corps. J’ai beaucoup observé les femmes dans la rue. Celles avec hijab et celles sans. J’ai eu très envie de mettre le hijab mais je n’osais pas.
J’ai continué mes recherches et j’ai commencé à aller à des conférences et à rencontrer des musulmans. J’avais très peur que les gens sachent que je m’intéressais à l’islam. A l’époque l’opinion des autres comptait beaucoup pour moi. Mais c’était devenu une obsession, je ne pensais plus qu’à l’islam. Je passais tout mon temps à lire et à regarder des vidéos. J’ai beaucoup aimé le fait qu’en Islam je pouvais dévouer toute ma vie à Allah tout en vivant une vie normale. Pas besoin de se retirer dans un monastère. J’aimais qu’il y ait de vraies lignes de conduite avec une responsabilité individuelle. Chacun est responsable de ses propres actes. Tout le monde répondra de ce qu’il a fait ou pas dans sa vie. C’est logique et juste. Pas d’histoires abracadabrantes, pas de contradictions.
Par ailleurs, étant traductrice j’ai énormément apprécié le fait que le Coran se lise en arabe, la langue originale. Je sais bien que lorsqu’on traduit on perd une partie du sens. Je suivais déjà des cours d’arabe, par pur intérêt pour la langue, mais j’ai découvert que c’était vraiment très utile de pouvoir lire le Coran en arabe en non en phonétique. Cela m’a grandement facilité l’apprentissage des premières sourates pour la prière. Le Coran est un miracle linguistique, cela ne pouvait pas mieux tomber pour moi qui aime tellement les langues. Pour certains la reconversion se fait par des arguments logiques, les preuves scientifiques, des recherches approfondies pour comparer les religions. Pour moi je pense que la beauté de la récitation du Coran en arabe m’a touchée. Il y avait tout le reste évidemment, mais je suis sensible à la langue. J’écoutais Al Afasy réciter en me disant ce sont les paroles de Dieu Lui-même. Je peux entendre les paroles de Dieu.
J’ai continué à aller à des conférences où j’ai rencontré mes premiers amis musulmans et découvert EuroIslam . J’ai fait tout ça pendant un an. J’hésitais à me reconvertir car j’avais des doutes sur moi-même. Je me demandais si j’étais sincère ou si ce n’était pas pour moi un moyen de fuir quelque chose. L’Islam, même si je m’y sentais chez moi, avait quand même une vision très différente de ce que j’avais l’habitude de penser. Certaines choses étaient à l’opposé des opinions que j’avais jusque-là. Je n’aurais jamais cru que je pourrais un jour devenir musulmane. Je n’en revenais pas. En plus l’Islam avait mauvaise réputation et j’avais peur de ce qu’allait penser mon entourage. Puis un soir dans mon lit, un gros avion est passé au-dessus des maisons et j’ai eu peur qu’il ne tombe et que je meure sans être musulmane. C’est là que j’ai compris que j’y croyais déjà et qu’il ne manquait que la chahada (déclaration de foi que l’on fait pour se reconvertir). Je l’ai faite toute seule, entre moi et Allah. C’était début février 2010. Huit ans plus tard je suis toujours étonnée de ma reconversion. Je remets tout régulièrement en question et cela ne fait que renforcer ma foi à chaque fois.
J’ai mis trois ans à oser dire ouvertement à tout le monde que j’étais musulmane. Mon grand jihad (effort) reste le hijab mais je continue à progresser tout doucement, en restant moi-même. Parfois j’ai des doutes sur mes intentions et je n’hésite pas à poser des questions difficiles. Je n’ai pas toujours la réponse mais je sais qu’elle existe et qu’Allah me la donnera quand je serai prête et donc je patiente. Toute la beauté de l’Islam est justement que c’est une éternelle recherche. Je pense que la patience ou « sabr » est vraiment un concept clé en Islam, il faut savoir prendre son temps quand on se reconvertit pour que les changements puissent se faire en profondeur. Ne pas hésiter à retourner en arrière pour mieux recommencer. Etre sûr de son intention. Et demander de l’aide à Allah car sans Lui nous ne pouvons rien.
Voilà mon histoire de reconversion. J’espère qu’elle pourra être utile incha Allah. En écrivant ce texte j’ai essayé d’être honnête et de reproduire mes pensées comme elles étaient à l’époque. Elles ne reflètent pas nécessairement mes opinions actuelles et j’espère n’avoir offensé personne. Toutes les religions méritent le respect et leurs pratiquants sont nos frères et sœurs en humanité et je les aime en tant que tels. Qu’Allah nous guide tous dans sa miséricorde. Amine.
Marie-Laurence – mai 2018